Réforme de l’imposition des entreprises II: mise au point.

Les partisans du paquet fiscal de février ont de gros moyens. Ils peuvent – sans compter- abreuver médias, boîtes aux lettres et panneau d’affichage de leurs slogans trompeurs. On peut ainsi lire que cette réforme est destinée aux PME, injustement victimes d’une «double imposition» menaçant leur survie et donc des milliers d’emplois et de places d’apprentissage. Le paquet fiscal serait donc nécessaire à notre économie et assurerait la prospérité de notre pays. Bref, le paradis. Un paradis un peu cher, tout de même, vu que ça devrait coûter 2 milliards par an. Mais le paradis n’a pas de prix, non?
Mais ce miroir aux alouettes est trop beau pour être vrai. Voici donc quelques rectifications.

PME, mon amour?
Le paquet fiscal ne profite pas aux patrons de PME. Selon economiesuisse, faîtière des grandes entreprises (sic!), seules 60’000 personnes bénéficieront de la réforme. Ce qui correspond à moins d’1% de la population suisse. Mais economiesuisse se trompe, car il n’y aura en réalité que moins de 10’000 bénéficiaires, soit moins de 0,2% des contribuables. Car seules 45% sont des sociétés de capitaux et plus de la moitié d’entre elles (56%) ne paient pas d’impôts. Qui ne paie pas d’impôt ne bénéficie pas d’une baisse d’impôt. Logique. Quant aux société en raisons individuelles, elles sont exclues de la réforme.

PME, mon amour? le retour
Parmi les bénéficiaires identifiés de la réforme on trouve surtout de nombreux grands patrons de grandes entreprises, parmi eux, MM. Blocher (pas besoin de faire les présentations), Ebner (financier, naguère fossoyeur d’Alusuisse), Pouly (magnat des boulangeries et… concurrent de vraies PME), Frey (importateur de voitures et mécène de l’UDC), Schmidheiny, Kudelski, ou Mme Oeri (héritière de Roche). Les économies d’impôts induites par le paquet fiscal se chiffreront en millions de francs pour ces personnes (p. ex. 12,5 Mio pour Mme Oeri, 11 Mio pour M. Frey, 4 Mio pour les enfants de M. Blocher), qui ne sont pourtant pas vraiment dans le besoin. La réforme ne devait-elle pas profiter aux PME???

PME, mon amour? III
Ce n’est pas l’impôt qui entrave le développement des entreprises. Une étude de l’EPFZ montre en effet que l’imposition ne joue qu’un rôle marginal dans la décision d’investir ou pas. Conjoncture et qualité de la main d’œuvre pèsent bien plus dans la balance. Et, pour les PME, c’est surtout l’accès au crédit qui pose problème. Pas l’impôt.

Création d’entreprises?
En 2007, un nombre record de création d’entreprises a été atteint. Et le cabinet d’audit PriceWaterHouseCoopers place notre pays dans le peloton de tête de l’imposition des sociétés. Bref, ce cadeau fiscal coûtant au bas mot deux milliards de francs semble bien inutile.

Double imposition?
Il n’y a pas de double imposition, car deux personnes différentes sont imposées: l’entreprise (personne morale, à condition que ce soit une société de capitaux, ce que ne sont pas la majorité des PME) et ses actionnaires (personnes physiques). Actionnaires qui bénéficient déjà d’un traitement de faveur, vu qu’il n’y a pas d’impôt sur les gains en capital.

Création d’emplois et de places d’apprentissage?
«Baissons les impôts pour créer des emplois et des places d’apprentissage». La rengaine est connue, mais elle est archi-fausse. Un expert mandaté par le principal partisan du paquet fiscal, M. Merz, a démontré que cette réforme n’aurait au mieux qu’un effet marginal sur la croissance et l’emploi. Quant aux places d’apprentissage, toutes les études montrent que si les entreprises ne forment pas, ce n’est pas pour des questions de coûts. Et d’ailleurs, si les caisses publiques sont vidées par la réforme, l’argent manquera pour financer les programmes de soutien aux jeunes à la recherche d’une place de formation.

Paquet mal ficelé: retour à l’expéditeur!
Une partie de la réforme de l’imposition des entreprises II n’est contestée par personne. Il s’agit de nouvelles règles favorisant les successions et transferts de PME. Malheureusement, la majorité bourgeoise a fait l’erreur de lier ces mesures utiles et nécessaires à des cadeaux fiscaux injustes. Si elle y avait renoncé, les réformes incontestées seraient entrées en vigueur… au premier janvier dernier! Mais cet aspect positif n’empêche pas de dire non. Le PS a déposé une motion pour que ces mesures soient de toute façon appliquées. Même en cas de non au paquet fiscal.

L’AVS mise à sac.
En allégeant l’imposition sur les dividendes, on encourage les patrons à se verser des dividendes plutôt que des salaires. Or les dividendes ne sont pas soumis aux cotisations sociales. Le manque à gagner pour l’AVS se monterait au minimum à 150 millions de francs par an (chiffre admis par M. Merz), probablement plus.

Egalité devant l’impôt
Salarié-e-s et retraité-e-s sont imposés sur le 100% de ce qu’ils gagnent. Avec le paquet fiscal, les gros actionnaires (moins de 0,2% des contribuables, rappelons-le) ne seraient plus imposés qu’à 60%. Cela viole le principe de l’égalité devant l’impôt et rend la réforme anticonstitutionnelle.

Une seule réponse à un projet mal fichu, coûteux, inefficace et destiné à une très faible minorité: NON.

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